Le travail invisible des données
Le 5 juin 2020 | 0 Commentaires

Sociologie du travail – Vol. 62 – n° 1-2 | Janvier-Juin 2020 : Varia – par Samuel Coavoux

 

L’affaire est entendue : nous vivons dans un monde de données. Certes, mais depuis quand ? La révolution numérique semble avoir opéré un bouleversement, mais l’histoire de l’administration des États comme des entreprises démontre que ce fait est plus ancien. Et si la rhétorique des données est omniprésente — data science, dataification, data-driven —, les formes concrètes d’existence des données numériques demeurent méconnues. Le travail invisible des données de Jérôme Denis construit, en mobilisant une très vaste littérature, un programme de recherche ambitieux pour rendre visible et analyser le travail humain derrière les données.

Tiré du mémoire d’habilitation à diriger des recherches de son auteur, l’ouvrage résume sa thèse dès le titre : les données constituent une infrastructure scripturale du monde moderne ; elles sont produites, transformées et maintenues par un travail ; ce travail est largement invisibilisé. Cette thèse sociologique a des conséquences politiques : J. Denis nous invite non seulement à étudier cette infrastructure, mais aussi à revaloriser un travail qui est l’objet de mépris et d’incompréhension. Ce travail de « coulisses », celui des « petites mains » des « travailleurs de la donnée », qui enregistrent, extraient, trient, ordonnent les données, et qui ce faisant les interprètent, les complètent, les transforment, est souvent considéré comme subalterne, confié à des personnes peu qualifiées, plus souvent réalisé par des femmes, etc.

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